En Grèce Itea-Bralo

Publié le par Marie-Christine

Camp de Bralo, le 18 août 1917- Nous avons débarqué dans la soirée du 16 à Itea, au fond du golfe de Corinthe. Aussitôt, nous avons été assaillis par une bande de mercantis grecs, mal vêtus, miséreux, qui tenant d'une main une balance romaine et de l'autre un panier, criaient à qui mieux mieux : "Bono raisin, bono."

Itea est un petit village qui a pris une grande importance depuis qu'une base française s'y est installée. Les commerçants exploitent manifestement les troupes.
J'ai passé la nuit dans un mauvais garni, sur un lit qui consistait en une paillasse sur laquelle était étendu un drap seulement. Je n'ai pas pu dormir à cause des punaises.

Le lendemain matin je me suis levé avant le jour et suis allé avec un camarade rendre un bain sur la plage. L'eau était tiède. A cinq heures, nous avons pris les camions qui, à travers une région montagneuse, nous ont transporté d'Itea à Bralo. La route très étroite, serpente au flanc des montagnes en tronçons parallèles. Sur presque toute sa longueur elle est bordée de précipices. Aussi n'est-ce pas sans éprouver une petite émotion que nous passions dans les tournants qui sont extêment brusques et très nombreux.

Nous avons d'ailleurs vu des voitures écrasées contre des rochers dans les ravins. Le pays est aride. presque partout l'on ne voit que des rochers gris ou rougeâtres, à nu. Dans les vallées, il y a çà et là quelques oliviers.

Nous sommes arrivés hier matin auprès de la station de Bralo dans une région déserte. Nous y avons dressé les tentes. A perte de vue l'on ne voit que des monts dénudés; l'on n'aperçoit pas un village, pas une habitation. Il fait une chaleur tropicale.

Le 18 août- Cet après-midi je suis allé m'asseoir avec Gautier auprès d'une source située à quelques centaines de mètres du camp dans le ravin. C'est un endroit délicieux, très frais et ombragé; un oasis dans le désert. Les poilus y viennent se désaltérer et se reposer, les paysans grecs y font boire leurs ânes. L'un d'eux nous a bien fait rire. Il a eu beau siffler et faire tous les efforts pour faire boire son baudet, l'animal n'en a rien voulu savoir : c'est à peine s'il a consenti à tremper ses lèvres dans l'eau. Alors le paysan l'a  attaché à un arbre et, à l'instar de Diogène est venu boire dans le creux de la main. Un poilu blagueur affirme qu'il en absorbera plus que son bourricot. Le grec n'a pas compris; il se figure que le soldat lui fait un compliment et lui sourit.

En remontant au camp, nous avons rencontré un vieux berger auquel j'ai demandé la permission de le photographier. L'oeil dur, il m'a fait comprendre qu'il entendait être payé. Tandis qu'il discutait avec mon ami, j'en ai pris un instantané.

Publié dans grand-papa

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