transfert du soldat inconnu à l'Arc de Triomphe

Publié le par Marie-Christine

Paris, le 13 novembre 1920.Les fêtes du cinquantième anniversaire de la République et l'anniversaire de la Victoire (11 novembre)-

Jeudi je suis sorti de bon matin afin de trouver une bonne place pour assister au défilé. Vers 9H30 j'arrive à la Concorde par le Nord-Sud au moment où les gardes municipaux refoulent la foule pour dégager la Place.

Je sors ma carte d'officier et l'on me laisse passer. Je gagne le terre-plein qui entoure l'obélisque et qui est réservé aux officiers de complément. Il y a déjà un grand nombre de camarades, les uns en costume civil, la boutonnière ornée de rubans de touts couleurs, les autres ayant revêtu leurs vieux uniformes défraîchi, presques tous écorés. Quelques uns se reconnaissent : "Tiens, bonjour mon vieux..." Je me faufile au premier rang, en face de l'Avenue des Champs-Elisées, à l'endroit où le cortège, aprs avoir fait le tour de la place changera de direction pour marcher sur l'Etoile. Il fait un temps froid et brumeux, un vrai temps de Toussaint. L'Arc de Triomphe est perdu dans le brouillard. L'attente est longue et l'on bat la semelle sur l'asphalte glacée pour se réchauffer les peids. Depuis quelques instants le canon tonne sur la gauche, vers le Champ de Mars.

Voici des cyclistes qui viennent communiquer des ordres. Des commandements brefs de "garde à vous" et les troupes chargées du service d'ordre rectifient l'alignement.

Maintenant la tête du cortège s'avance sur le pont. Ce sont les engagés volontaires portant une banderole tricolore et des emblèmes; puis un groupe de cuirassiers. Le général Berdoulat gouverneur de Paris et son escorte. Défilent les drapeaux de tous les régiments de France et des colonies :les étendards de l'Artillerie, des chasseurs à cheval, des dragons, des cuirassiers, le flot des drapeaux de l'infanterie, les uns noircis, les autres troués, hachés, déchiquetés par la mitraille, devant lesquels la foule se découvre avec respect, puis ceux de 1870.

Voici le char de Gambetta qui s'avance lentement. Il est quelque peu grotesque, rappelant le profil d'un escargot dont la coquille serait une cage vitrée; dans cette cage l'on aperçoit le coffret qui renferme le coeur du Patriote. Puis vient le canon de 155 long qui porte le haut cercueil du Poilu recouvert d'un immense linceul tricolore. C'est une minute poignante. Un silence impressionnant. Les regards s'attachent à cette bière et l'on pense aux quinze cents mille morts de de notre pays, dont beaucoup gisent sans sépulture sur les champs de bataille. Millerand marchant tête nue derrière le canon, les yeux fixés sur le cercueil, l'air ému; les maréchaux de France Joffre, Foch, Pétain, de glorieux généraux Mangin, Bailloud, Gouraud, passent presque inaperçus, tant la foule est fascinée par ce drapeau qui cache la dépouille du Soldat. Quelques cris de "Vive Gouraud" cependant marquent la sympathie que l'on éprouve pour ce chef, grand, élancé, pâle, barbe brune, la manche droite vide et boitant légèrement; il salut de la main gauche en plumet.

Voici maintenant, à cheval, le général Trouchaud commandant la garnison de Paris, qui était à la tête de la 19è division lorsque j'étais au 70è R.I. en Argonne. Derière lui viennent des détachement potant les diférents uniformes de la guerre, celui de la Marne, pantalon rouge et capote bleue; celui de la Victoire, le bleu horizon; le kaki des marsouins; le bleu foncé des chasseurs à pieds; les soldats des chars d'assaut en vareuse de cuir noir portant un casque sans visière.

Enfin voici un interminable défilé de troupes,, cavaliers, fantassins, mitrailleurs avaec leurs voiturettes traînées par des mulets, artilleurs de campagne avec leur 75, artilleurs lourds avec leur 120 et leur 155, fusiliers marins, Saint-Cyriens avec leur plumet rouge, polytechniciens avec leur bicorne, encore des fantassins et des mitrailleurs, des dragons et des canons; ils disparaissent dans le brouillard vers l'Arc de Triomphe, couvrent tout le tour de la place de la Concorde et là-bas, de l'autre côté de la Seine, on n'en voit pas encore la fin...

Le soir sur les grands boulevards j'ai assisté au défilé lumineux : soldats portant des lampions et des torches, cyclistes aux roues étincelantes, taxis de la Marne couverts de fleurs et éclairés par cent ampoules électriques, toutes allumées et portant des projecteurs.

Publié dans grand-papa

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