Libération de la Roumanie II

Publié le par Marie-Christine

16 novembre 1918- Notre petite maison de jardinier (?) est devenue confortable. Nous l'avons meublée d'une table, de chaises et d'un poële. Nous sommes maintenant à l'abri  du froid et du mauvais temps. Il neige toujours.- Les grand'gardes se sont installées à Odaia et à Cinverceue(?). Les sections de mitrailleuses sont à 5 ou 6 km les unes des autres.

18 novembre- Nous avons quitté notre maisonnette le 17 à 11H et nous sommes venus canonner à Sécara. Route très droite traversant une région de culture. Campagne absolument nue; pas une habitation; pas un arbre.

A Sécara nous avons dîné, les officiers de la C.M. et Lacombe, chez unofficier de réserve professeur à l'école primaire supérieure.

En pénétrant chez lui je n'ai pu réprimer un sourire lorsqu'il m'a recommandé sa soeur, qu'il voulait me présenter. Il nous offre avant le repas un petit verre d'eau de vie de prune. Nous buvons, cela va sans dire, à la France et à la Roumanie, le premier étant pour la France. Puis il veut absolument que nous en prenions un pour l'Angleterre. Alors je n'ai pu m'empécher de m'écrier : "Pourvu qu'on aille pas jusqu'au Monténégro." Après de telles libations nous pensions que notre hôte aimait bien boire. Désillusion. Pendant le dîner pas une goutte de vin, ni d'eau!

Nous venons d'arriver ce soir à *. Nous nous étions d'abord arrêtés à Turculesti (?) A peine étions nous installés dans nos cantonnements que nous recevions l'ordre de repartir pour Spatareii? Fort heureusement les deux villages ne se trouvent qu'à un km l'un de l'autre.
Partout nous sommes reçus à bras ouverts. Ici je suis logé chez un ancien soldat roumain qui a été de la Moldara où il a été commandé par des officiers français, ce dont il est très fier. Les Germains qui sont partis depuis quelques jours leur ont tout pris : leur grain, leurs animaux, leurs meubles, voire même leurs vêtements. Je crois comprendre qu'il me dit : "Depuis deux ans l'on nous disait que les français devaient venir, vous voici enfin!"

En entrantdans le village nous avons défilé devant le commandant Lemoulle(?) qui vient prendre le commandemant du Bataillon.

21 novembre- Aujourd'hui repos. Nous cantonnons à Magura Budoiska (?). Le premier Bataillon occupe le quartier Granne où nous sommes arrivés hier au soir à 15h. Nous venons d'Alexandria où nous avons passé l'avant-dernière nuit. Nous avons reçu un accueil chaleureux. Un dîner a été offert sous la présidence du général Nérel. La plupart des convives roumains, notabilités de la ville ou officiers de réserve, connaissaient notre langue. L'on est frappé de voir combien ils sont imprégnés de la civilisation française; avec quel empressement et quelle habilité ils suivent les idées nouvelles, les progrès, le développement des arts de notre pays.

De nombreux toasts ont été portés au général Nérel et aux officiers français, à la France, aux Allies, à la Roumanie, au roi Ferdinand, à la reine Marie.

Très belle soirée où la musique du régiment rivalisait avec les violons et violoncelles.
En pénétrant dans la maison où j'avais ma chambre, j'ai été très agréablement surpris lorsque la maîtresse de maison m'a dit sans le moindre accent : "C'est bien M. le sous-lieutenant Le Sourd." En causant avec son fils j'appris quelques instants après qu'elle était d'origine Alsacienne et de parents Français.

Hier au départ nous avons défilé dans Alexandria devant le général de division. Des hourras, des fleurs.

23 novembre- Nous sommes arrivés cet après-midi à Ghimpati.

La compagnie est cantonnée à l'école communale. Nous avons fait aujourd'hui une étape de 20km (de Draganesci). Temps froid mais sec. Pâle soleil. Le vent qui soufflait en tempête et qui a rendu l'étape de Magura à Draganesci très pénible est tombé et il fait bon marcher.

Sur la route les agglomérations sont plus rapprochées. Les habitations semblent plus riches aussi, bien que partout les maisons aient été pillées par les Allemands. A Draganesci un vieillard à qui ils ont pris tous ses vêtements a dû s'acheter un habit 1000 lei, un chapeau 100. Une paire de chaussures vaut 500 lei. Il est pénible de constater que dans un pays si riche en blé les gens n'avaient plus de pain à manger. Ils absorbent des sortes de pâtés de maïs. Le ravitaillemenet continue à manquer. Pas de vin, pas d'eau de vie, pas de grains, pas de café. La ration de pain est très insuffisante, surtout durant les journées d'étape et par ce temps très froid. Et il est impossible d'acheter des denrées dans les villages où nous cantonnons. Celui-ci est très riche en tabac.

24 novembre- Nous venons d'arriver à Buda. Nous avons traversé le (*) sur un pont de bateaux que le le génie venait de terminer, les Boches ayant fait sauter le pont qui existait.

Etapape de 20km à travers une région ondulée par de petites collines.

Ici aussi les gens ont été dépouillés de leurs récoltes et de leurs biens par l'envahisseur. J'ai cependant eu la bonne aubaine de trouver des pommes de terre qu'un bonhomme a réussi à cacher aux Allemands. J'en ai acheté 300kg pour la compagnie à 450 lei le kg.

26 novembre- Nous avons fait hier étape de Buda à Slogozia où nous devons rester, parait-il, jusqu'au jour où les troupes françaises défileront à Bucarest. On attend, dit-on, l'arrivée dans la capitale du Roi qui se trouve à Jassy. On défilera devant sa Majesté et devant le général Berthelot commandant l'armée du Danube qui vient de se constituer.

Dans ce village beaucoup de malades et de décès. Epidémie de grippe.

Je suis logé dans une jolie petite chambre, malheureusement l'on ne peut y faire de feu et comme disent les roumains, par ces temps froids et pluvieux il fait bien "frig".

Publié dans grand-papa

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G
<br /> Bonjour,<br /> <br /> <br /> Je vous remercie pour tous ces pages d'histoire.Permettez moi de ajouter ici les vrai noms des villages roumains, car j'ai ete ne dans cette region, a Turnu-Magurele.Le reste de ma famille habite<br /> a Galati et moi, a Bucarest...<br /> <br /> <br /> -Cinverceue - Ciuperceni; Turculesti-Furculesti;Spatareii c'est avec un seul "i"; Draganesci-Draganesti; Slogozia - Sloboizia; La riviere croisee avant arriver a Buda c'est: Arges.<br /> <br /> <br />  <br />
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