En Ukraine, février 1919

Publié le par Marie-Christine

31 janvier 1919- Hier dans la soirée nous avons été très inquiets.

Le commandant avait reçu du colonel l'ordre d'envoyer à Tiraspol une reconnaissance d'officiers pour  y préparer le cantonnement du deuxième bataillon qui devait y aller dans quelques jours.

Tiraspol est une petite ville située en Ukraine sur la rive gauche du Dniestr à une douzaine de Km de Bender. Elle est reliée à cette dernière localité par la voie ferrée qui conduit à Odessa. Les rails ont été enlevés sur le pont. Le général Roumain commandant la place téléphona au chef de gare de Tiraspol d'envoyer une locomative et un wagon au bord du Dniestr pour y prendre un détachement français. Le chef de gare répond : "J'y vais moi-même avec la machine." Le sous-lieutenant Réquet part avec une section vers 15 heures. Le commandant lui dit de rentrer au plus tard à 18 heures. A 19 heures nous n'avions encore aucune nouvelle. Est-ce une coïncidence : la communication téléphonique avait été coupée quelques instants après le départ de la section.

En sortant de la popote nous nous rendons à la caserne. En chemin nous rencontrons le capitaine de la place qui nus dit qu'il a appris par ses agents secrets que Tiraspol avait été occupé par un détachement d'environ cinq cents bolchevistes avec un groupe d'une cinquantaine de cavaliers. Plus de doutes, nos poilus ont été massacrés ou faits prisonniers. Heureusement, quelques instants plus tard on téléphone de Tiraspol que le train ramenant les Français est parti.

Voilà ce qui s'tait passé, ainsi que nous le raconte Réquet :

La section débarque à Tiraspol et commence la reconnaissance sans qu'il ne se produise aucune manifestation d'hostilité ou de sympathie. Observée seulement pas des les habitants curieux. A un carrefour de rues, arrivent des cavaliers armés de carabines qui viennent se ranger du côté de nos hommes. On leur explique que c'est la police chargée de les défendre, mais brusquement voci que de toute part sortent des gens en armes qui en un clin d'oeil les cernent complètement et les menacent. Puis les chefs demandent à Réquet de déposer les armes. Il ne le fait qu'après leur avoir fait jurer qu'elles lui seraient rendues. Pendant cette scène les bolchevistes avaient accaparé nos homes et essayaient de leur inculquer leurs principes. Nos poilus écoutent puis l'un d'entre eux, ne perdant pas le sens de la réalité, s'écrie : "Tout ça c'est très joli, mais pas de blagues, ne nous faites pas prisonniers : je suis rapatriable au mois de mars."

Réquet est conduit au soviet où après avoir parlementé avec les délégués qui discutent longuement, il est remis en liberté. Il rentre avec sa section et un officier d'un détachement tchécoslovaque qui est en gare de Tirastol et que les bolchevistes veulent massacrer. Cet officier vient voir le commandant français de Bender.

le 17 février 1919- Des évènements graves sont survenus au régiment. J'ai attendu quelques temps avant de les noter pour tâcher de les bien comprendre.

Le 4 février le 2è Bataillon doit occuper Tiraspol tenu par les bolchevicks. Le 1er Bataillon partant de Bender vers 7 heures forme une tête de pont sur la rive gauche du Dniestr. Vers 9 heures le Bataillon français arrive à hauteur de nos éléments de première ligne qui tiennent une croupe à environ 2 Km des casernes de la gare de Tiraspol. les compagnies se déploient se se placent devant le premier Bataillon. A ce moment deux parlementaires envoyés par les bochevicks arrivent dans deux autos. Ils disent au capitaine Dumas commandant la compagnie d'avant-garde qu'ils ne sont pas les ennemis des Français et qu'ils ne demandent qu'à s'entendre avec nous; mais ils ne peuvent admettre que nous marchions sur Tiraspol en prenant des formations de combat. Ils demandent que deux officiers Français se rendent avec eux dans la ville pour s'entendre. Ils n'ont qu'un quart d'heure pour remplir leur mission et si au bout de ce temps ils ne reviennent pas avec les officiers français, les bolchevicks ouvriront le feu. Le commandant français arrive et leur dit, peut-être un peu trop brusqement, qu'il a l'ordre d'occuper Tiraspol et qu'il n'a pas à discuter avec les bolchevicks; qu'il leur donne deux heures pour déposer leurs armes et que ce temps écoulé il fera fusiler tous ceux qui seront trouvés les armes en main. A ce moment, le quart d'heure étant écoulé quelques fusants éclatent au dessus de nus. Les parlementaires partent et le commandant français donne l'ordre de progresser; mais presque aussitôt nos tirailleurs sont arrêtés par une vive fusillade et des feux de mitrailleuses. Toute la journée nous restons à peu près sur les mêmes positions.

Publié dans grand-papa

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article